Le salon de musique

Jardins et villa romaine

^{Jardins et villa romaine, vers 1750-1800, Jean-Honoré Fragonard (1732-1806)
Crayon graphite et lavis d’encre sur papier vergé
Hauteur : 41.5cm ; Largeur : 45cm ; Profondeur : 5cm
D.R. 172} 

Natif de la ville de Grasse, Jean-Honoré Fragonard emménage à Paris pour y faire des études de notariat. Ses talents et son goût pour le dessin le font entrer dans l’atelier de Jean-Baptiste Chardin puis de Jean-François Boucher et de Carl van Loo à l’École nationale des beaux-arts de Paris. Il réussit brillamment le concours du Grand prix de peinture, et bénéficie d’une pension royale de l’Académie de France à Rome. Ses voyages à Bologne, Venise et Gênes en compagnie de l’abbé de Saint-Nom lui permettent d’acquérir une solide culture italienne et le font entrer dans le « Panthéon » des artistes de la deuxième moitié du XVIIIe siècle.

Ses premières œuvres qualifiées de « figures de fantaisies » révèlent un pinceau rapide, on remarque son style heurté, « roullé » emprunté au mouvement rococo. Fragonard est « le grand maître du Tartouillis ». Puis sous l’influence de Jean-François Boucher, son art se convertit aux nouvelles valeurs du néoclassicisme avec lesquelles il crée ses plus grands chefs-d’œuvre. Connu et apprécié pour ses peintures de scènes galantes, Fragonard est aussi l’auteur d’un remarquable corpus de dessins qu’il réalise au cours de ses périples en croquant sur le vif, villas, ruines antiques et paysages de la campagne romaine. 

Le dessin de Montaigu entre dans cette production. En arrière-plan, se dresse un angle de la maison prolongée à l’étage par une terrasse entourée d’un garde-corps à balustres. Ce dernier sert de toiture à un mur percé d’une large porte cintrée. Quelques marches d’escalier conduisent en contrebas vers un bassin où trois femmes sont en train de deviser.
Longtemps considérés comme des esquisses, ses dessins sont aujourd’hui étudiés comme des œuvres indépendantes. 
S. D.

Cartel à cul de lampe

^{Cartel à cul de lampe, époque Louis XV
Bois ciré, peint, vernis Martin, bronze ciselé, cadran émaillé, verre, métal
Hauteur : 105cm ; Largeur : 79cm ; Profondeur : 38.5cm
D.R.267}

C’est au milieu du XVIIIe siècle que la pendule fait son apparition. Un type particulier reposant sur un socle et destiné à être fixé au mur ou « cartel à cul de lampe » devient à la mode. Cette désignation s’explique par la forme de l’objet : une partie supérieure contenant le mécanisme d’horlogerie est posée sur une console en pointe. 

Sous le règne de Louis XV, l’objet adopte les canons esthétiques baroques, à savoir une caisse en forme de violon et une ornementation en bronze développée qui obéit « aux lois Rocaille » : asymétrie, jeux de courbes et contre-courbes, formes chantournées, motifs de coquille occupent parfois toute la surface. La marqueterie Boulle encore en vogue au milieu du XVIIIe siècle est finalement remplacée par des décors « aux chinois » réalisés en laques importés d’Extrême-Orient pour les objets les plus prestigieux. Afin de concurrencer ce produit de luxe, les frères Martin inventent la laque française ou vernis Martin qui connait un fort engouement chez les artisans-ébénistes. C’est le matériau choisi pour réaliser le décor peint du cartel de Montaigu où, sur la console, s’ébattent deux colombes affrontées dans un paysage parsemé de guirlandes de fleurs.

Monté dans un boitier en bronze doré, le cadran émaillé présente une particularité : une double numérotation avec des chiffres romains pour indiquer les heures et les chiffres arabes pour lire les minutes. 

Classé parmi le mobilier d’agrément, le cartel-pendule n’en est pas moins un objet complexe dont la fabrication fait appel à de multiples talents : horloger, ébéniste, bronzier et peintre.
S. D.

Vénus et l’Amour

^{Vénus et l’Amour, vers 1775-1800, manufacture Locré-Russinger (1773-1820), Paris 
Biscuits (porcelaine non émaillée)
Hauteur : 34.5cm ; Longueur : 18cm ; Largeur : 14.2cm
Hauteur : 34.1cm ; Longueur : 14.4cm ; Largeur : 13cm
Inscription de la marque : deux fourches entrecroisées accompagnées d’une lettre (initiale du répareur ?) gravées sous le socle
D.R.223}

La découverte des gisements de kaolin autour de Limoges en 1870, rend désormais possible la fabrication d’objets en porcelaine « noble » à pâte dure sur le territoire de France. L’événement explique l’installation de nombreuses manufactures de porcelaine à Paris. Deux techniques sont utilisées : une porcelaine émaillée et décorée (spécialité des porcelainiers de Saxe en Allemagne) et une porcelaine non émaillée appelée biscuit (privilégiée par la manufacture de Sèvres à Paris).

C’est cette deuxième voie que choisit Jean-Baptiste Locré en ouvrant en 1773 une manufacture dans le quartier de Belleville. Il s’associe à l’allemand Russinger, sculpteur (réalisation du modèle en plâtre) et modeleur (réalisation des moulages et assemblages). Le processus de fabrication appelle in fine la création d’un nouveau métier, le « répareur », chargé, avant la cuisson, de réajuster le volume, de fabriquer et rajouter à la main les éléments trop fins pour être moulés (bouquets et guirlandes de fleurs, rubans, etc.). Ainsi le procédé du moulage à partir d’un modèle permettant la reproduction en série et à moindre coût, rend chaque pièce unique grâce à son opération finale.

Quantité de statuettes, groupes, bustes, vases, services, coupes sortent des manufactures parisiennes pour répondre à une forte demande. Le biscuit devient incontournable et s’impose dans les salons. Les thèmes choisis par les artistes suivent la mode du temps : les « chinoiseries », les scènes historiques et surtout la mythologie où Vénus et l’Amour sont représentés dans d’innombrables occupations. 
S. D.

Bergère en cabriolet

^{Bergère en cabriolet, époque Louis XV, Jean-Baptiste Delaunay (-1778)
Bois de hêtre naturel, tapisserie au point
Hauteur : 100cm ; Largeur : 70cm
Estampillée J. DELAUNAY
D.R.322.1}

Menuisier en sièges parisien reconnu, Jean-Baptiste Delaunay devint maître en 1764. Si sa production la plus importante est constituée de sièges de style Louis XVI, il en a aussi réalisés dans le goût rocaille « finissant ». C’est le cas de la bergère dit en cabriolet conservée au château de Montaigu. Elle désigne un siège avec des accoudoirs pleins (ou joues : parties rembourrées des bras situées entre l’assise et l’accoudoir) et la forme cabriolet est déterminée par un dossier concave destiné à épouser les formes du corps. Les accoudoirs sont dégagés et généralement conçus indépendamment de l’assise. 

La bergère de Delaunay se distingue par une silhouette harmonieuse assortie de sobres décors. La ligne sinueuse qui parcourt sans discontinuité le dossier et les accotoirs donnent une impression de légèreté. Les courbes sont moins marquées sur les traverses de la ceinture et s’estompent sur les pieds. L’ornementation est minimaliste : moulures profondes sur le dossier, incisions avec un décor floral (fleurettes, folioles) classique sur les traverses. 

Il est possible de découvrir l’estampille de l’artiste inscrite sur des petits meubles (commodes) qui ont contribué à sa réputation.
S.D.

Table de salon Topino

^{Table de salon, style Transition / Louis XVI, Charles Topino (1742-1803)
Bâti en chêne, placage en bois de violette et rose, bronze ciselé et doré, marbre de Carrare
Hauteur : 75cm ; Largeur : 46cm ; Profondeur : 42cm
Estampillé C.TOPINO JME sous le plateau
D.R.355}

Reçu maître en 1773, Charles Topino débute sa carrière comme ouvrier libre du faubourg Saint-Antoine à Paris. A partir de 1782, il occupe la charge de député de la jurande des menuisiers-ébénistes. Il est connu pour sa production de meubles légers (petites tables de salon circulaires, ovales, carrés, bonheurs du jour, etc.), reconnaissables à leur marqueterie à décors de vases de fleurs et ustensiles divers (tasses, théières, jattes, etc.). Son talent lui apporte une notoriété internationale et de fructueuses collaborations avec les marchands-merciers et autres ébénistes parisiens de son temps.  

La table de salon de la collection Salin rend compte d’une production plus sobre, dépourvue de la marqueterie typique de l’ébéniste. Légèrement ovale, elle est équipée de trois pieds, droits quadrangulaires réunis par une tablette puis galbés à pans coupés, qui lui donnent un aspect un peu lourd. Un tiroir ouvre au centre de la ceinture grâce à une serrure en façade. 

La garniture en bronze ciselé se compose de galeries d’oves pour le plateau supérieur et trilobées pour le plateau inférieur. Des motifs de fleurs et de fins liserés perlés décorent la partie haute des pieds. Ces derniers sont enchâssés par un sabot en bronze ciselé et dotés de roulettes.

On attribue à une mauvaise gestion de ses livres de compte ainsi qu’à la Révolution la faillite de Charles Topino, déclarée le 21 décembre 1789.
S.D.

Clavecin

^{Clavecin, 1674, Philippe Denis (vers 1635-1705) 
Bois (noyer), laque rouge vermillon, décor de chinoiseries à la dorure
Hauteur : 89cm ; Largeur : 78.2cm ; Profondeur : 198.5cm
Signé et daté sur une traverse au-dessus du clavier
D.R.363.1}

Des quatre clavecins Philippe Denis encore existants, seul l’exemplaire conservé au château de Montaigu est en état de jeu. A l’origine peint en noir et rouge brique, couleurs imposées autrefois par la corporation des luthiers, il a été au XVIIIe siècle décoré d’une laque rouge et or « à la manière de Chine » et doté d’un piètement de style Louis XV. 

La première mention du clavecin Denis apparaît au XXe siècle dans les archives de l’antiquaire parisien Salomon qui le fait alors restaurer par les Frères Masson en 1922. Mis en vente en 1934 à l’hôtel Drouot, il est repéré par Edouard Salin qui l’acquiert pour sa demeure de Montaigu. C’est seulement dans les années 1990 que le clavecin retrouve sa « voix », mission confiée à Daniel Ruf, maître d’œuvre de cette délicate restauration qui aura duré sept ans.

Pari gagné si l’on en croit les spécialistes de la musique baroque. Parmi les clavecins, instruments rois des salons et théâtres du XVIe au XVIIIe siècle, celui de Montaigu s’en distingue par un clavier unique et une table de deux jeux de huit pieds, ce qui le dote d’un son surprenant, « idéal pour interpréter du Couperin ».

 En 1999, il sert à enregistrer Les douze fantaisies pour le clavecin de Telemann, interprété par Anne Robert à l’abbaye de Saint-Colomban de Luxeuil-les-Bains (Haute-Saône). Deux années plus tard, c’est le grand claveciniste hollandais Gustav Leonhardt qui fait sonner cet instrument exceptionnel lors d’un concert donné dans la galerie des Cerfs du Palais Ducal- Musée lorrain de Nancy.
S. D.